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Jean-Baptiste Robin | Musique d'orchestre et musique de chambre

Jean-Baptiste Robin
Time Circles, musique d'orchestre et musique de chambre


CHOC de Classica - juillet-août 2023

Orchestre National de France, direction : Marin Alsop & Jean Deroyer
Orchestre des Pays de Savoie, direction : Nicolas Chalvin
Sarah Nemtanu, violon
François Salque, Victor Julien-Laferrière, violoncelle
Delphine Haidan, mezzo-soprano
Romain Descharmes, piano

Cat. number : 96569
EAN code : 5028421965697
Nouveauté : décembre 2022

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Time Circles

Une thématique principale traverse l'œuvre de Jean-Baptiste Robin, thématique qui donne son nom générique au présent CD (Time Circle) et que seul le langage des sons est apte à traduire : celle du temps qui avance inexorablement, modifiant insensiblement êtres et choses et menant à la mort et au néant. Quelques titres : The Hands of Time, pour orgue, L'Horloge, pour baryton et piano, Tic-Tac pour soprano et piano (trois œuvres de 2018), La lame des heures, pour orchestre, Click Time, pour saxophone, Les rouages du temps, pour flûte, violoncelle et orgue, Tic-Tac, pour violon et piano (quatre œuvres de 2019), La destruction du temps, pour orgue et Zénith, pour orchestre à cordes et deux hautbois (toutes deux de 2020). Le présent enregistrement se concentre sur la production récente de Jean-Baptiste Robin (2012/2020).

Crop Circles (2012) est une commande de Radio France pour l'Orchestre National de France. Le titre renvoie à ces formes géométriques symétriques d'origine humaine, baptisées agrophyles, pratiquées dans les champs de cultures céréalières. Au plan orchestral, la partition plonge ses racines dans une certaine esthétique française (celle de Dukas notamment) qui parvient, au sein des tutti, à maintenir la clarté des plans sonores. L'introduction lente expose deux motifs : le premier, aux cordes, fondé sur un mode symétrique, et dont la mélodie tournoie, symbolisant les dessins géométriques des Crop Circles ; le deuxième, aux bois, introduit la présence humaine au sein de cet univers mi-naturel, mi-artificiel. Suit un Allegro inclus dans une spectaculaire progression dynamique et agogique, sur les deux thèmes, où « le tournoiement initial devient un tourbillon » (J.B. Robin), qui n'est pas sans évoquer l'écriture motorique d'un Roussel ou d'un Honegger. La brève partie lente centrale est confiée aux cordes, avec le second thème au violon solo, tel l'homme placé au centre de la nature (l'oeil du cyclone ou le centre du cercle...). Retour varié de la section initiale avec le premier thème pris en sens inverse et inclus dans un complexe travail contrapuntique. L'oeuvre se brise net sur une cassure.

Tic-Tac pour piano et violon (2019) est le fruit d'une commande de la communauté de communes de Versailles Grand-Parc. Cette sonatine en cinq mouvements, aux tempi alternativement rapides et lents, tour à tour rythmiques et mélodiques, place à sa base le mouvement obsédant du balancier d'horloge, élément structurel dont les cinq mouvements proposent des variations rythmiques ou lyriques. Le Tic-tac initial expose le motif principal et entame d'emblée un premier processus de métamorphoses. A l'intérieur du continuum en figurations rapides de Mouvement stellaire, d'où émerge un thème lyrique, le tic-tac manifeste sa présence de façon diffuse. Entrechoc, manière de scherzo, se présente comme une variation du premier mouvement, en remettant ses éléments en circulation (l'écriture en pizz. notamment) et en replaçant le tic-tac au premier plan. L'impressionniste Goutte de temps, deuxième mouvement lent, lui-même variation de Mouvement stellaire, confie au violon une longue cantilène sous-tendue par des figurations d'arpèges composés du piano, qui ne sont en fait qu'une poétique et expressive variation du tic-tac de base. Le finale, Les secondes dansent, propose une ultime métamorphose du tic-tac sur des rythmes décalés qui rappellent les phénomènes de déphasages chers à Ligeti.

Zénith (2020), pour orchestre à cordes et deux hautbois est une commande de la Fédération de l'action culturelle internationale en montagne et de l'Orchestre des pays de Savoie. A l'instar de Crop Circles, l'oeuvre met en présence le temps qui passe et l'homme par l'intermédiaire de deux thèmes qui se juxtaposent ou se superposent. Une première partie expose le tic-tac du temps, en pizz. et un thème lyrique ascendant, sorte de choral en valeurs longues qui, parti du grave, envahit le pupitre des cordes avant d'être repris par l'un des hautbois. Une deuxième partie, variation de la première, developpe le motif du temps avant retour de la prière aux deux hautbois menant à une nouvelle superposition des deux thèmes. Une troisième section traite les deux motifs sous forme de passacaille. Le thème humain demeure seul et, dans un climat mélancolique, s'élève jusqu'au lyrisme le plus intense. Brève coda sur le tic-tac: le combat de l'homme et du temps s'achève toujours par le triomphe de celui-ci.

Commencés en 2001, les trois Poèmes de l'aube et de la nuit pour mezzo-soprano et piano n'ont été achevés qu'en 2018. Ecrite sur des poèmes du compositeur (Lune d'aube, Regard de couchant, Nuit de cristal), l'oeuvre situe la thématique du temps qui passe dans un contexte nocturne au déroulement toujours perçu comme plus lent que le temps diurne. « La contemplation sensible de l'aube, du crépuscule, du mystère de la lune [...] trouve une réponse plus sombre et intérieure dans le duo de violoncelles [Trois Nuits] » (J.B. Robin). Aucun mouvement rapide donc dans ces trois poèmes où alternent sections en récitatif et passages lyriques sur un piano « d'atmosphère ». La structure A-B-A' des deux premiers poèmes fait place, dans le troisième, à une construction Durchkomponiert qui s'achève sur un postlude pianistique.

Commande en 2014 du festival Musiques d'un siècle à Dieulefit, Trois Nuits, pour deux violoncelles, comprend trois mouvements et, de l'aveu du compositeur, s'intègre dans la thématique du temps qui passe et mène à la mort. Elle se veut également hommage à Dutilleux dont les notes qui, en solfège anglo-saxon, forment le nom, donnent naissance à un élément thématique dans la troisième partie, Dutilleux qui appréciait et les ambiances nocturnes (Ainsi la nuit... Timbres, espace, mouvement ou La nuit étoilée), et le violoncelle (Tout un monde lointain... Trois strophes sur le nom de Sacher). Le chorégraphique Les étoiles qui dansent expose un motif qui s'organise autour d'une note pivot, motif tour à tour agressivement rythmique ou plus lyrique. Le mélodique deuxième thème revêt l'aspect d'une déploration et précède le retour de la partie initiale, véritable danse macabre qui s'évanouit comme un fantôme. Lueur fait alterner une danse nocturne en pizz. et les éléments mélodiques d'une plainte. La deuxième section, sorte de choral en valeurs longues, réintroduit la déploration du premier morceau. Bref retour des pizz. du début pour conclure. Au début de La traversée des morts, « l'archet du violoncelliste évoque les rames de Caron. » (J.B. Robin). Une brève progression agogique est interrompue par une section lente où s'écrit musicalement le nom de Dutilleux. Une nouvelle accélération du tempo mène l'oeuvre à une conclusion infernale.

La lame des heures pour orchestre (2019) est le résultat d'une commande de l'association Musique Nouvelle en Liberté. Le tic-tac symbolique en jalonne la plus grande partie : « Sombre, espiègle, emporté, héroïque, le tic-tac revêt différents caractères et apparaît progressivement comme une lame qui blesse, laisse des cicatrices, ne s'arrêterait jamais. » (J. B. Robin). La tension dramatique presque constante de l'oeuvre évoque celle de Crop Circles, à la construction formelle identique. La première section est bâtie sur le motif du tic-tac qui, exposé aux percussions, envahit rapidement tout l'espace, combiné à des éléments qui appartiennent en propre au langage de J.B. Robin (mélodies circulaires, balancements et modes symétriques). La brève partie centrale, lente (l'oeil du cyclone), serait l'illusoire répit accordé à l'homme, prisonnier du temps inexorable. Une orchestration chambriste met tour à tour en valeur les timbres de la clarinette, du hautbois, de la flûte et du cor anglais. Mais déjà, voici revenu le tic-tac obsédant. La troisième section culmine dans le battement de vingt-quatre accords dissonants, symboles de l'implacable déroulement des heures. « Le temps lutte en vain contre son effondrement avant de sombrer dans le néant » (J.B. Robin).

Gilles THIEBLOT

Autres informations :
· Enregistré entre Septembre 2012 et Juin 2021 à Paris et Chambéry
· Livret bilingue en anglais et en français. Notes de programme de Gilles Thielblot.