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Jean-Baptiste Robin | Oeuvres pour orgue

Références de l'enregistrement : Naxos 8.570892

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Programme :

1. Regard vers l'Aïr (Eglise Saint-Louis-en-l'Ile, Paris) 00:10:08
Cercles Reflechissants
2. I. Cercles de Danses 00:08:51
3. II. Cercles de Vent 00:04:18
4. III. Trait d'union 1 00:01:44
5. IV. Cercles Reflechissants 00:04:14
6. V. Trait d'union 2 00:01:28
7. VI. Cercles Harmoniques 00:06:27
8. VII. Cercles Lointains 00:05:16
3 Elements d'un Songe
9. No. 1. Frontispice 00:02:20
10. No. 2. Souffle 00:02:51
11. No. 3. Crepusculaire 00:04:48
12. Regard vers l'Aïr (Eglise Saint-Etienne-du-Mont, Paris) 00:09:52

Durée totale: 01:02:17

A propos de cet enregistrement :

Une musique-monde

On l'aura deviné aux seuls titres qui lui donnent un visage : la musique de Jean-Baptiste Robin est imagée, suggestive, poétique et en même temps vivante, forte, passionnée. Il semble loin, à l'entendre, le temps où la musique contemporaine, se défiant de toute expression, se voulait pure structure ne renvoyant qu'à elle-même. Ici, la musique exprime, montre, raconte, donne à imaginer : c'est un monde en mouvement, ce sont des tableaux animés, des images vives coulées en une matière sonore nouvelle.
Car loin de se complaire dans une expressivité qui répète les formules du passé, le langage de Jean-Baptiste Robin innove résolument.
C'est d'abord par ses harmonies originales que le compositeur crée ce monde. Par l'utilisation de modes symétriques qui lui sont propres et joliment appelés « réfléchissants », il pose les bases d'un univers ample et stable et invente une couleur singulière et immédiatement reconnaissable.
Sur ce monde harmonique puissant se détache un discours mélodique très personnel : celui d'une voix tantôt contemplative, tantôt véhémente, fréquemment caractérisée par l'hésitation momentanée d'une petite note barrée et par l'élan de brefs traits ascendants.
Tout cela est animé par un travail rythmique varié, fait notamment d'ostinatos, d'incises souvent asymétriques, de moteurs associés à des motifs mélodiques eux aussi obstinés, donnant parfois lieu à une micropolyphonie très serrée qui donnent l'impression d'un grouillement de la matière sonore, en une sorte de panthéisme élémentaire.
Et cet univers à la fois complexe et clair, saisissable et saisissant, s'incarne ; ce n'est pas le moindre de ses puissants charmes, dans des jeux de sonorités d'orgue recherchés mais sans afféterie, toujours neufs et variés.
En somme, c'est l'immensité d'un espace-temps musical qui s'ouvre aux oreilles et à l'imagination de l'auditeur, jusque dans l'écho final d'un tintement d'horloge qui vient comme prolonger cet univers à l'infini.
Michel Gribenski

© Jean-Baptiste Robin

Regard vers l'Aïr (2001) est pensé dès l'origine pour plusieurs types d'orgues. Les nombreuses exécutions de l'oeuvre à travers le monde m'ayant permis d'en affiner les timbres, j'en propose ici deux enregistrements. Sur un orgue baroque allemand (version enregistrée à Saint-Louis-en-l'Île), le glas répété du début explore le son chaotique et oppressant du jeu de Posaune, ce que j'avais imaginé lors de mes premières esquisses de l'oeuvre en 1996. Sur un instrument plus moderne (Saint-Étienne-du-Mont), ce même début donne lieu à un crescendo très progressif, le glas se rapprochant sans cesse de l'auditeur.
Les deux interprétations sont aussi complémentaires dans la mesure où un tempo libre est adopté dans la version sur instrument baroque alors que la deuxième version est jouée avec une stricte précision rythmique.
Au cours de la pièce, deux thèmes évoluent à l'opposé l'un de l'autre, le premier se raccourcit alors que le deuxième s'allonge. Ce déroulement thématique unifie une succession de climats très divers : le glas inlassable du début, les arabesques sur des modes asiatiques qui lui succèdent, ou les deux mélodies en écho évoquant deux enfants qui se poursuivent. L'oeuvre fait par ailleurs entendre quelques couleurs singulières sur les jeux harmoniques (le Nasard et la Tierce), évocations sonores des vagues de vent et d'océan.
Cette pièce ne cherche nullement à décrire le massif montagneux de l'Aïr situé au Niger. Le titre invite simplement à un voyage purement imaginaire et s'inspire des paysages harmoniques imposants des dernières pages.

Trois Éléments d'un Songe (2003) repose sur deux idées musicales très simples : trois intervalles et une harmonie clair-obscur à la fois introductive et conclusive (premier accord de Crépusculaire). La trame poétique du recueil en est issue, et les deux premiers mouvements sont à analyser comme anacrouses à la dernière pièce.
L'oeuvre s'ouvre sur Frontispice, un récitatif qui introduit les intervalles thématiques. En son point culminant, ce mouvement fait entendre le thème à l'unisson sur le tutti. Puis des harmonies étales annoncent les notes-pivots des deux mouvements suivants. Souffle est une suite de variations de couleurs sur les intervalles thématiques initiaux et des accords projetés imitant le souffle du vent. Les notes-pivot du premier mouvement ne cessent d'attirer l'attention, malgré une écriture mouvante et continuellement renouvelée. Frontispice et Souffle préparent l'arrivée de Crépusculaire, dans lequel le thème déclamé du premier mouvement est désormais contemplatif, et où les harmonies projetées du second se transforment en un balancement harmonique extatique, fondé sur le premier et le dernier accord de Souffle. Crépusculaire tire son nom de délicats sons harmoniques aigus propres à l'orgue.

Cercles Réfléchissants (2007-2008), commande de l'Université du Kansas (USA), de la Fondation Marcelle et Robert de Lacour pour la musique et la danse, et de l'Association des Amis de l'Orgue de Nontron (France, Aquitaine), se divise en sept parties. Les cinq pièces principales sont dédiées à mes amis organistes Olivier Latry, Vincent Warnier, Michel Bourcier, Frédéric Champion et Thierry Escaich.
Cette oeuvre constitue une étape dans mon parcours, car elle utilise les douze modes à symétrie répétitive et les vingt-trois modes réfléchissants que j?ai élaborés en 2005. Ces modes prolongent la nature de la gamme chromatique tempérée et complètent les échelles déjà découvertes au 20e siècle (les sept modes à transpositions limitées d'Olivier Messiaen par exemple). Ils présentent tous une symétrie à l'intérieur de l'octave : les modes réfléchissants possèdent un axe central situé sur une note réelle ou entre deux notes, les modes à symétrie répétitive se composent d'une suite d'intervalles qui est répétée. On trouve déjà ces modes dans Émergences pour choeur et orgue (2006) et dans Impulsion pour deux pianos et percussions (2007).
Ces sept pièces renvoient par ailleurs à trois éléments récurrents : des cercles mélodiques, un thème lyrique avec présence d'un intervalle de sixte majeure caractéristique, et un refrain constitué d'accords réfléchissants.
Les sept mouvements sont disposés symétriquement autour d'une pièce centrale intitulée Cercles Réfléchissants. Celle-ci emploie une écriture d'une rigueur presque absolue, où chaque note est liée à une autre par une symétrie réfléchissante d'ordre mélodique (mélodies circulaires), modal ou harmonique (modes et accords réfléchissants). La préface de la partition détaille précisément ces procédés.
Les deux pièces, Cercles de Danses et Cercles Lointains, s'apparentent par leur vivacité rythmique et leur virtuosité. La première fait progressivement émerger les éléments thématiques du recueil, tandis que la dernière les fait disparaître peu à peu. Cercles de Vent et Cercles Harmoniques présentent des ondulations similaires dans l'écriture. Elles aboutissent à de larges successions d'harmonies ascendantes sur des modes réfléchissants (Cercles de vent). Cercles Harmoniques développe en outre les vagues déjà imaginées dans Regard vers l'Aïr.
Les brefs Trait-d'union 1 et Trait-d'union 2 superposent ou font alterner les deux mélodies thématiques du recueil (cercles mélodiques, chant lyrique angulaire sur une sixte majeure).

Ces notices, au propos parfois technique, doivent s'effacer devant la musique, faite non pas pour être lue mais entendue.

Jean-Baptiste Robin